Pour raisons de boulot, j'ai fait un petit tour aux États-Unis. Rien d'extraordinaire, une petite semaine de boulot.
Non, ce qui a été extraordinaire, c'est plutôt tout ce que j'ai eu autour.
Commençons par le commencement. Mon entreprise est américaine, HQ au Texas (ça arrive aux meilleurs).
Vu que je n'avais jamais rencontré mes collègues ni mon nouveau chef, ce dernier décide qu'il est temps de me faire faire une petite visite, et synchroniser ça avec quelques "évènements" locaux
Dans la suite de cette histoire, vous comprendrez que les mails qui s'échangent sont en réalité en Anglais. Ce n'est même pas une traduction litérale puisque je ne les ai pas sous la main là de suite, mais j'essaie de retranscrire ça du mieux que je peux.
Étape1: "J'espère que t'as déjà une carte de crédit de la boite".
C'est ce qu'il m'a envoyé par mail pendant la réunion tél pendant laquelle on a décidé ça: moins de 2 semaines avant départ effectif.
Ah ben non, j'en ai pas. Pas eu besoin jusque là, figurez-vous.
Pas grave: la procédure est automatique et en ligne, qu'on me dit.
Ah ben non, pas à Singapour...
Faut remplir un formulaire, l'imprimer, le signer, l'envoyer en interne pour validation, qui le renverra en Chine, où la carte sera créée (logique, pour une AMERICAN Express), renvoyée ici, et là je l'aurai.
C'est là qu'on commence à rigoler, parce que règlement interne et habitudes américaines obligent: je ne peux ni acheter mes billets d'avion ni réserver les hotels sans cette carte.
Pas grave, on mobilise un peu les collègues pour m'aider. On imprime, on signe, on scanne, on maile, on envoie des annonces générales pleines de "urgent" "de suite" et "dans l'heure".
Et c'est toujours dans ces moments là qu'on a affaire à la fin à "une flèche": le mec qui va effectivement gérer le dossier côté banque.
"Monsieur, nous vous remercions de l'intérêt [blablabla t'as un contrat avec nous connard on sait tous les deux que je n'ai rien demandé et que je ne peux pas prendre la carte ailleurs!!]"
Je vous passe un peu, venons-en au plus intéressant:
" Vous nous faites savoir que vous avez besoin de cette carte pour préparer un voyage d'affaire aux E.-U. dans les deux semaines. La procédure normale pour obtenir une carte est de 10jours ouvrables. La procédure accélérée est de 5jours ouvrables, moyennant des frais [blablabla]". Ces frais sont de 50SGD, soit genre 30€, je pense qu'on ne va pas couler la boite.
Mais surtout, reformulons en sens plus commun:
"La carte, je te la fais trop tard ou juste dans les temps? Parce que trop tard, c'est moins cher!"
Je crois que la question a pour fonction utile de perdre encore un peu de temps vu que le mec est loin et que je ne passe pas ma vie devant mes mails dans un bureau.
Mais c'est pas grave, on y arrive."en urgence, connard, tu percutes!?" C'est ce que je voulais écrire au début, mais considérant le pouvoir de nuisance de mon interlocuteur, j'ai préféré une formulation plus aimable. Je l'aurai un jour, va!
On m'informe effectivement le mercredi suivant que la carte vient d'arriver dans les locaux de la boite, sauf que je n'y suis pas. Aucun souci, je passerai le jeudi matin, et je peux contacter l'agence de voyage qui bosse avec la boite le jour-même.
Aaaah! L'agence de voyage.
Étape 2: L'agence de voyage
Je ne mettrai pas leur nom ici (quoi que je devrais peut-être). Mais je peux vous raconter leurs exploits.
Alors: comme je disais, je leur envoie un mail le mercredi soir qui détaille mon parcours. Le jeudi matin, fort de ma carte en main, je complète mon "profil client" en ligne (ça passe par le site de ma boite, rudement bien connecté tout ça!).
Le jeudi après-midi, je les appelle pour m'assurer qu'ils ont bien vu mon profil et ma requête et que si y'a un problème, merci de me contacter illico. Aucun problème Monsieur, ma collègue est déjà sur votre dossier, on vous tient à jour rapidement.
Vendredi: aucune nouvelle
Samedi: aucune nouvelle
Lundi: aucune nouvelle, je lâche un petit mail en coup de vent histoire de leur rappeler que j'existe et que j'ai du mal à croire qu'il faut 4 jours pour commander 3 billets d'avion et réserver 2 hôtels.
Mardi matin: aucune nouvelle, je les rappelle donc, d'humeur que je qualifierais pas de "fort bonne". Là ils m'ont fait le coup du "mail qui est déjà parti mais je ne l'ai peut-être pas reçu?" "Je vous le renvoie de suite, Monsieur".
2h30 plus tard je reçois le mail "qu'il était déjà prêt voyons!".
Je parcours vite fait (paske j'ai pas que ça à foutre, par contre, faut se bouger pour confirmer tout ça: je suis censé partir dimanche au plus tard!!).
Je penche d'abord sur la première petite note:
"Monsieur, vous nous avez dit vouloir rentrer au plus tôt via un vol partant le 24 à 20h. Il n'y a aucun vol disponible le 24 en soirée. Voulez-vous prendre un vol le 25 au matin?
-Non, connasse, je veux vraiment partir un 24 au soir, mettez-moi à l'hôtel un mois de plus! [Backspace]^92
Oui, puisque je vous ai demandé pas avant le 24 au soir, et qu'il n'y a rien le 24 au soir, le 25 au matin correspond à ma requête. Je prendrai donc le vol qui part le 25 au matin.
Je reste perplexe devant la deuxième petite note en commentaire:
"Pour le dernier vol, vous êtes confirmés en Première Classe, on essaie encore d'avoir un billet Classe Affaire mais c'est pas sûr qu'il y en ait de disponible."
Classe affaire?? Mais c'est quoi ce bord...
Bon, en même temps, c'est l'agence avec qui la boite (21000 employés dans le monde) travaille exclusivement, ils doivent avoir l'habitude quand même. Plus que moi au moins...
Dans le doute, j'appelle un collègue, qui s'étonne mais m'avoue qu'il n'a plus voyagé pour la boite depuis des lustres, et me dit qu'il va contacter le service Finances, pour voir.
Milieu d'après-midi, le couperet tombe: les employés ne doivent voyager qu'en Classe Économique, sauf autorisatin explicite, exceptionnelle, et avec justificatif du manager (qui lui-même devra expliquer ça à sa hiérarchie). Aaaaaaah.
Donc je rappelle l'agence qui commence déjà à me les briser pour leur dire que je ne veux aucun vol qui ne soit pas en classe éco. Mes collègues m'ont ensuite tous fait la vanne "t'aurais dû rien dire!!". Enfin, tous sauf mon chef, je me demande pourquoi...
Aaaaah! Enfin on y arrive. Le mercredi, tout est validé et confirmé. Je décolle le dimanche. Il n'aura fallu qu'une petite semaine pour commander 3 billets d'avion que j'aurais pris en 5min sur un quelconque site internet et réserver 2 hôtels qui ont d'ailleurs tous deux un formulaire en ligne pour faire ses réservations sans même passer un coup de fil. Il faut vraiment une agence pour bien gérer ça...
Étape 3: Boulette!
L'étape 3, c'est de ma faute!
J'ai loupé l'avion le dimanche matin pour m'être levé trop tard, et je l'ai raté malgré mes efforts (suis arrivé 10min trop tard, grrrrr!).
Bon, à ma décharge, le samedi soir, j'étais aux urgences avec le bébé suite à une panique causée par nos voisins en voyant de gros boutons rouges sur une large partie du corps qui avaient triplé de volume entre le matin et le soir. Eux nous disaient qu'il fallait aller à l'hosto DE SUITE!
Et le médecin nous a dit qu'il s'agissait d'une simple allergie bénigne... Enfin, mieux vaut être euh... zut... j'ai oublié l'expression en Français, ce sera donc un effet Jean-Claude Vandamme: "Better be safe than sorry!" (mieux vaut être sûr que désolé, à peu près).
Toujours est-il que j'ai raté mon avion.
À 5h00 du mat le dimanche, l'agence est comme qui dirait fermée. Heureusement, en tant qu'agence de voyage internationale, ils ont un "service d'urgence"... en Angleterre. Ah, les joies des appels longue distance!
Je contacte donc le service. Là, assez bluffant je dois dire, je tombe sur un mec qui me retrouve mon dossier en claquant des doigts, et se met en quête d'une solution alternative.
Alors, pas de chance, la seule solution qui me permette de partir aujourd'hui, c'est de passer par 3 correspondances dont deux qui ne sont plus dispos qu'en Classe Affaire (décidément, on veut m'y mettre!!). Ce qui me permettrait d'arriver Lundi soir heure locale (on gagne une journée en voyageant dans cette direction).
Une petite minute. Si je prends le même vol demain?
Ah ben j'arrive une heure après la solution alternative proposée.
Hum... tout ce bordel pour gagner une heure, ça me semble un chouïa exagéré, non? "Euh... c'est vous qui voyez Monsieur".
Je prends donc le même vol pour le lendemain. Ah non, c'est pas exactement le même. Le vol de correspondance à Newark (à côté de New-York) part à 15h30 au lieu de 17h, j'arrive donc 1h30 plus tôt lundi que je ne serais arrivé dimanche (c'est le même numéro de vol).
Euh, ben ok hein!
J'appelle mon chef, qui est ravi de la nouvelle. Non, en fait il est un peu embêté parce qu'on devait faire un déjeuner de travail le lundi et que du coup ça va être chaud parce que j'atterrirai à 18h. Mais bon, il est compréhensif, mon chef.
Étape 4: Les correspondances, une question de timing...
Je recommence donc le lundi matin. Ce coup-ci j'arrive à l'aéroport à 2h45 du mat pour un vol qui part à 5h30 (vous n'avez jamais remarqué notre tendance naturelle à compenser une connerie en faisant un extrême opposé absolument inutilement ridicule?).
Du coup, je ne rate pas mon avion, qui fait Singapour -- Hong-Kong, puis Hong-Kong -- Newark.
Là je découvre la frontière américaine. Je découvre aussi que dans tout ça, je n'avais pas réalisé que je n'avais qu'1h30 entre l'aterrissage et le décollage du vol de correspondance, et que c'est court.
À l'atterrissage, je reçois un message de mon chef disant que tout est arrangé: on remplace le déjeuner par un dîner ce soir quand je sors de l'aéroport, si je suis d'attaque bien sûr.
Il faut 1h pour passer le contrôle frontière. Une fois ceci fait, il faut choper sa valise, la transmettre pour qu'elle soit envoyée à Austin, se rendre compte qu'en plus il faut changer de terminal, prendre "l'aérotrain" pour le prochain terminal, passer un nouveau contrôle sécurité, courir à la porte d'embarquement, constater qu'il n'y a personne, et pour cause: l'avion a décollé il y a une bonne demi-heure déjà...
Hum... je me rends donc au guichet du service client. Le prochain vol est à 20h30.
Question subsidiaire: mais elle est où alors ma valise??
"Et bien Monsieur, considérant que votre correspondance était ridiculement optimiste, il y a une chance non négligeable pour qu'elle fasse exactement la même chose que vous et ait raté le vol. Elle prendra alors le suivant. Sinon, elle vous attendra à l'arrivée dans les bagages trouvés (non ramassés).
-Mais! Euh! C'est pas ma faute! Euh!"
J'envoie un message à mon chef pour l'informer que sortir de l'aéroport prend généralement un bon 6h? Non, il ne va pas me croire: il en est sorti hier, lui... Enfin, toujours est-il qu'il ne semble pas disposer à repousser le dîner à 0h00... On se verra demain.
Je reste donc dans l'aéroport, à prendre des grands cafés, avec une seule angoisse: après plus de 20h de trajet, si je m'endors, je ne me réveillerai plus, et là ça va devenir compliqué à expliquer...
Finalement, j'ai atteint l'hôtel à 0h00, avec RdV à 7h du mat pour le petit déj avec le chef (et je l'ai trouvé hein!).
"Alors, ça n'est évidemment pas le plus important, mais on veut ABSOLUMENT savoir ce qui t'es arrivé pendant le vol!"
Et visiblement, ça les a bien fait marrer...
Étape 5: Deuxième arrêt, Tempe (Arizona)
Le lendemain... enfin, le soir, enfin le mardi quoi!!
Vous vous rappelez, je devais initialement atterir le dimanche soir, finalement c'est dans la nuit de lundi à mardi à 0h00 que je suis arrivé à l'hôtel. Et le soir, je pars pour Tempe. C'est là que mon chef est normalement stationné.
Nous ne sommes cependant pas dans le même vol, parce que l'agence m'a dit qu'il n'y avait plus de place sur son vol. C'est là qu'on se rend compte que X-Men c'est pas de la blague parce qu'un grand nombre de ces passagers qui remplissent le vol se sont avérés être complètement invisibles.
Je prends donc un autre vol, m'en vais dans mon hôtel, déjà réservé.
"Alors, vous êtes chez nous jusqu'au 24!
-Ah ben non, jusqu'au 25!?
-La réservation est jusqu'au 24. Vous voulez l'étendre? Étant donné que c'est une requête de dernière minute, vous ne bénéficierez pas du tarif préférentiel de votre entreprise."
Alors, l'agence a bien compris que je prenais finalement l'avion le 25 au matin, mais le lien logique avec la réservation de l'hôtel n'a pas atteint les neurones concernés. La réservation a donc bien été faite jusqu'au 24.
Pendant que je suis là, je vérifie les billets retour, m'attendant à tout.
Badaboum!
Le retour prévu est:
Phoenix-Chicago (ça commence mal, c'est pas la bonne direction) arrivée à 11h25, puis Chicago-Singapour avec escale à Narita (Tokyo), départ à 12h02.
Avec le décalage horaire, ça fait... ah! euh! non! y'a pas de décalage horaire, c'est tout en local: j'ai 37min pour choper la correspondance!!
Étape 6: Gestion des risques, un métier ça!
Au court de cette semaine, j'ai appelé l'agence aux É.-U.: peuvent pas m'aider, parce que ça a été acheté à Singapour, le service d'urgence: peuvent pas m'aider, parce que y'a plus rien d'autre avant mardi la semaine suivante, et qu'il ne peuvent pas faire rembourser le billet, et je fais comme je veux mais ça va raquer la race à ta mère, et que ça vaut peut-être le coup de contacter plutôt la compagnie aérienne? la compagnie aérienne, qui a basculé l'intégralité de son support client sur un service 100% automatique où il faut crier dans le téléphone pour être reconnu par un robot qui ne comprend pas mon nom --et je ne sais pas trop comment je suis censé le prononcer pour qu'il le comprenne!!-- et n'a aucune option pour parler à un humain sauf à attendre pendant 2h au tél.
Mais mon chef me dit que c'est peut-être jouable: même terminal, et prévu pour: aucun contrôle de sécurité additionnelle, transfert de bagage automatique, etc. Du coup je me tâte. Encore qu'il pourrait bluffer pour épicer encore un peu plus mon séjour?
Bon ben... on tente le coup quand même!
Alors, finalement...
Et bien c'était jouable, et j'ai pas loupé mon avion!
(me voyait déjà en train d'expliquer à ma femme que j'ai raté un énième avion)
Par contre, il semble que ce soit maintenant interdit de proposer des correspondances de moins d'1h30... sauf que les billets n'ont pas été achetés localement, mais depuis Singapour. Aaaah, ces régulations, le respect de leur esprit, tout ça!
Aucune mauvaise surprise au retour. Vous êtes déçus? Ben pas moi! J'ai mis une semaine à me remettre de ce double décalage horaire enchainé, surtout qu'en volant dans l'autre sens, on perd une journée: suis parti de Phoenix le samedi matin à 7h, suis arrivé à Singapour lundi matin à 00h20. Au revoir mon week-end...
Bon! Prochain article sur... ben j'en sais encore trop rien en fait. On verra va!